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Je suis bien, j’ai froid mais je suis bien ;

La rue sent le goudron chaud. C’est bon !

Je ne peux pas bouger mais ça n’a pas d’importance, je crois que je ne veux pas bouger.

 

Le soleil miroite quelque part sur un éclat, mon œil droit est au ras de l’asphalte.

Il parait que l’on peut voir à plus de cent quatre vingt degrés avec les deux, le gauche est dans le noir, ne peut pas s’ouvrir.

 

Les bruits sont furtifs, ils marchent sur la pointe des pieds.

Je sais où je suis, callé contre le trottoir.

C’est comme un édredon entre mes jambes.

Je me laisse uriner, la chaleur  coule sur mon ventre.

C’est confortable, je me sens mieux.

J’aimerais dormir, quelque chose m’en retient.

Je ne sais pas quoi.

 

Je pense. C’est une sensation unique. Je ne peux que penser !

Je ne possède en ce moment, que cette fonction : Penser. Je sais que je dois penser.

Tout sera clair demain, elle et moi, faciles, vivants.

 

Je dégage une odeur : Un fumet de bouillon gras qui s’évade, qui me vide.

Je m’agrippe sans conviction à ce « maintenant » qui n’a pas de sens.

Je m’endormirais lorsque j’aurai fini de me suivre.

L’œil droit se ferme, pour rejoindre l’œil gauche ; quelque chose en moi est au travail pour les odeurs.

Il les pigmente.

 

Mais je suis bien, j’ai encore  un peu froid mais je le ressens moins.

Il me semble que l’air devient, comme un souffle léger,  doux, parfumé peut-être.

Une sensation de printemps, lorsque l’air  gras de vie nous enveloppe et nous sature. Il fait bon.

On espère que le temps s’arrêtera sur ce bien-être.

 

Je pèse moins sur la rue ; comme lorsque j’ai abusé du cannabis.

C’était avant le voyage ?

Quand ?

C’était avec elle ?

Elle a sombré dans la cohue.

 

Il y a des gens autour de moi, plutôt un nuage de gens qui viennent et s’effacent avec douceur.

J’aime cette foule.

 Elle n’est pas hostile.

 Sans doute m’aime-t-elle, avec cette pointe de satisfaction mêlée,

 De n’être pas cet être malmené, gisant à terre.

.

L’air porte une présence, de femme ;

Un souffle parfumé et le frou-frou  de fille, jeune, qui bouge.

Je sens mes lèvres s’étirer d’un sourire mécanique,  je le sens grimaçant, peut-être indécent.

Cela s’éloigne.

J’aimerai l’appeler.

Elle ?

 

Ils disent que j’ai bougé.

 

Des voix m’entourent, des mains m’effleurent, elles me semblent expertes, rassurantes.

Il n’y a plus de soleil, plus d’odeur, plus de sol,  une lévitation cotonneuse.

 

Je me souviens !

 

Je l’ai entendu, derrière moi.

Ses chaussures  gémissaient des aigus, des sons de caoutchouc épais tordu par une course puissante !

Je me suis retourné, il y eu le son, l’éclat, l’odeur  et mon ventre soufflé, souffle coupé !

Il m’a regardé, sérieux,.

Terrifiant, calme, rassurant,

Et s’est détourné.

 

Ma colère impuissante dessinait des mots qui comme des bulles ’éclataient.

J’ai d’abord cru  qu’il n’en voulait qu’à moi ; mais à la réflexion, je ne le connaissais pas !

 

Je crois qu’il m’a dit quelque chose pour répondre à mes yeux qui demandaient :

- quand vas-tu arrêter ? Je suis ici par inadvertance.

 

Mais moi je ne voyais pas ses yeux.

Il a déchiré un nuage, s’y est glissé, et les images s’effondrent en silence.

Tag(s) : #Poésie
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