A ceux de nulle part et d’ailleurs
Claquent les culasses
Et les mortiers,
C’est ainsi que le temps passe
Sans que se lassent,
Les obusiers…
Je t’imagine, l’artilleur,
Lanceur d’obus,
Violeur des nues
Tu travailles avec ardeur,
Tu tues, tu casses…
Je t’imagine, si tu en reviens,
Honnête voisin,
Amant fragile
Père aimant, repus, tranquille,
Vivant, ému…
Mais que sais-tu ?
Tu te disais,
Simple passeur,
Non pourvoyeur
De ces obus…
On te disait :
« Tu n’en sauras jamais rien
De ceux d’ailleurs, des gamins
Vifs et sonores qui jouaient
Au bord des rues ;
Lâche tes obus… »
Tu le sais,
Et tu n’en dormiras plus
Un jour, d’en être revenu,
Las, lourd et laid !
Pauvre artilleur,
D’où vient ta peur ?
Tu te tais !
Nuit et jour, à toute heure,
Qui donc te mord le cœur ?
Qui suce ton âme gonflée de jus ?
Ces corps dégoulinant de pus ?
Ces enfants démantelés
Comme arlequins écartelés ?
Pour te défendre
Tu n’a pas de cri à rendre ?
Tu te tais !