Il faut vivre haut pour mourir bien,
Il est un temps où rien ne nous retient.
A la façon de Rostand : De Cyrano, prélude au 6ème acte (inédit à jamais)
Rostand le fait dire au cinquième acte, par Cyrano
Quand dans son couchant, d’amour Roxane lui fait un placebo :
« Non ! Car c’est dans le conte
Que lorsqu’on dit : Je t’aime ! Au prince plein de honte
Il sent sa laideur fondre à ces mots de soleil…
Mais tu t’apercevrais que je reste pareil. »
Reste encore un peu, Bergerac,
Si en quelques mots tu jettes tout en vrac
Pour quelques coups de bâton,
Et çà, qu’est-ce pour un Gascon ?
C’est la fin de l’envoi, ce cinquième acte ;
D’avec ta verve tu romps le pacte
Qui m’enchantait, de ton âme fière,
De l’honneur qui comme le poing se serre,
Creuse ses tranchées dans la terre
De nos mères et de nos pères.
Toi Cyrano, tout droit dans ta culotte,
Dont le chemin du cul, connaît la botte,
« Ignore donc ma querelle », d’un mot
Balaye tous mes maux,
Et d’une claque sur l’hyménée,
Etabli sans pâlir le verbe aimer.
(Respirons par cette parenthèse :
Thèse : deux points
Je le dit, pour sourire un peu, à nos maux,
Préférons les jeux de mots : (deux points)
Jouons simplement dans le binaire,
Le « oui » et le « non » sonnent clair,
Evaluons: (deux points)
Si le « non » est de bon ton,
Dans l’affirmation des caractères
En termes militaires,
Associés au cas,
Ce qui donne « canon »,
Ce « cas » et ce « non » font sauter les ponts,
Le « oui » me sourit, des deux il est celui que je préfère.
Jouons maintenant : dans « oui », je retiens le « i »,
(Mais c’est sans importance, je le redis.)
Au « i » mettons le pluriel,
Sur sa queue c’est un « s » où nous mettrons le sel,
Puis par deux, c’est bis,
Un « i » de plus et c’est l’Ibis,
Thot, oiseau et Dieu,
Sage et radieux.
En ce temps, plumage et savoir se liaient !
Restons en là, ça me satisfait !
Antithèse : (deux points)
L’amour, dit-on est du domaine de l’âme,
Mais pour moi n’existe que s’il me damne,
Il m’y faut de la chair, de ce qui s’incarne,
Les odeurs, les bruits mesdames,
Les caresses, des fesses, des drames,
Enfin quoi, tout un bon vacarme !
On me dit amer, que je pose,
Que j’écris mes vers de travers,
Moins que poème, mauvaise prose,
A classer dans « ratés divers » !
Je le sais, cela indispose,
Que mon propos désespère
Qu’il n’y ait rien que je propose
Qui ne soit, mauvais, délétère.
C’est un fait, je le dis, j’ose
Avec l’espoir, croiser le fer !
Bien sur je pourrais faire le rimailleur
Comme ce qui suit, sans y passer trop d’heures :
« Bien qu’au printemps le passereau se pose,
Prince charmant, en été le bourdon s’exaspère,
Pour la rime, je dis que l’automne se pare de roses,
Et qu’en hiver, j’ai mauvaise mine et suis peu disert. »
Synthèse : (deux points)
Cela ne vaut pas un clou, direz-vous !
C’est vrai, mais je n’en demande pas un sou !
Et il n’y a rien dans cet avis qui m’indispose
Et je peux entendre rire de ma prose,
Sans pour autant sortir le fer.
Mais, revenons à Bergerac, fin de la parenthèse)
Mais disons, une lettre, qu’est-ce ?
Un son qui bientôt cesse,
Une rime, on conjugue, on oublie
Et c’est un mot en sursis…
Dis-moi Cyrano, l’ai-je bien dit ?
Je le sais je n’ai pas ton talent,
Bien que le tien soit, dit-on, de Rostand !
Moi je n’écris que forcé, frustré.
De ces vers je m’étais tout « en rimé »,
La langue encore sucrée de ces mots d’amours
Cuisinés dans l’ombre, aux confins du jour,
Et tout m’enchantait, jusqu’au cinquième acte !
Ce n’est qu’à sa fin, au tomber du rideau
Que je pris d’abord, pour l’entracte !
Qu’à mes maux, sentant qu’il manquait quelques mots,
Je me pris, sous peine de déboire, à ce jeu d’écrire
Ce qu’en sus de l’histoire, j’avais à dire.
C’est dans ce cinquième acte que tout m’exaspère !
Je vois bien, Cyrano lorgne son croissant de lune,
Et se dit, qu’en fait de talent, le mien ne vaut pas une tune !
Que ma colère est pauvre de rimes furieuses
Que c’est une tempête silencieuse,
Que l’amour est un bien de peu
Lorsque avec les mots, on en fait un jeu.
Ceci n’est pas sans raison mais la vérité est
Qu’il espère, se dit que peut-être Rostand pris de pitié,
Donnera un sixième acte, et par effet de plume,
Dévira le sort, que s’il est tard pour « les travaux guerriers »,
Il pourrait sans dommage pourvoir statut de retraité,
Aux amoureux vertueux le soir dans les brumes,
Et enfin coucher les amants réunis, dans la plume…
Hélas le sort en est jeté, l’éditeur a tout acheté !
Tu diras que ce que tu crains le plus, c’est le rhume,
Car il dure la longueur de ton nez !
Nous savons que c’est un bien que tu assumes,
Mais puisqu’il faut qu’à la fin l’on t’enterre,
Que ce soit sans l’auteur, sous un rayon de lune,
Sur un champ de bataille, et, le nez en l’air.
Qui fera sur le champ une petite dune…
Ainsi Cyrano, tu garderas grand air,
Et tu n’auras pas travaillé cinq actes, pour des prunes !
Si je me relis,
Hélas, je vois bien
Que je n’ai rien dit
Qui ai du sens, du lien,
Un semblant de poésie,
Rien qui fasse trembler,
Moins encore pleurer,
Aucune dévotion, peu d’émotions,
Pas de charge au son du canon,
De l’éthique, une petite pratique,
Dans l’usage des mots et de la rime,
Une tendance à la panique,
Bref, un crayon de mauvaise mine.
Je crois bien, que par une mauvaise ambition,
J’ai oublié le fond et n’ai gardé que le son
Et par là même ai confondu
Dans un déplorable malentendu,
Poésie et vers de mirliton.
Si par hasard un étourdi
Malencontreusement me lit,
Je tiens en guise de repentir,
A mettre en exergue ce que je viens de relire :
Cyrano au cinquième acte, avant-dernier paragraphe,
Avec l’art et l’esprit, signe son épitaphe :
« GRAND RIPOSTEUR DU TAC AU TAC,
AMANT AUSSI-PAS POUR SON BIEN-
CI-GIT HERCULE-SAVINIEN
DE CYRANO DE BERGERAC,
QUI FUT TOUT ET NE FUT RIEN. »
Tout y est dit et bien dit
Mais cela n’est que pour lui !
On y voit de l’orgueil, de l’humeur aussi
Pour les écueils, l’amour désuni
Et l’humour pour en finir
Par un éclat de rire.
Mais ce qui sonne l’esprit, l’éthique,
C’est dans l’ultime tirade
Quand la boucle se clique
Sur l’ennemi qu’il veut en débandade.
Cyrano frappe, gesticule de l’épée,
Désigne ses cibles par d’immenses moulinets :
« Ah, je vous reconnais, tous mes vieux ennemis !
Le Mensonge ?
Tiens, tiens !-Ha, ha ! Les compromis, les préjugés, les lâchetés !...
Que je pactise ?
Jamais, jamais !- Ah, te voilà toi la sottise !
-Je sais bien qu’à la fin vous me mettrez à bas ;
N’importe : je me bats ! Je me bats ! Je me bats. »
Adieu Cyrano, c’est bien la meilleure des fins,
Tout est dit ou presque à nos contemporains,
Ces ennemis ont la vie dure, ils ne meurent pas,
Mais un sixième acte ne vaut pas ce dernier combat,
Il faut vivre haut pour mourir bien,
Il est un temps où rien ne nous retient.